dimanche 21 octobre 2012

Ironie n°156 - Mai 2011

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Interrogation Critique et Ludique n°156 –  Mai 2011
http://ironie.free.fr – ISSN 1285-8544
IRONIE : 51, rue Boussingault - 75013 Paris
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Beautés du temps
 Sollers et la peinture[1]

« Quand une chose est triste, on trouve toujours ça bien.
Faites quelque chose de gai et on vous tombe sur le dos. »
Auguste Renoir – Ecrits et propos sur l’art[2]

« Qu’est-ce qu’ils ont cherché, tous ces peintres ? A avoir raison contre vous, là, jeté dans le faux-temps, le pseudo-espace. Avec eux, on est dans le siècle S, l’année A, le mois M, le jour J, l’heure H. »
Philippe Sollers – La Fête à Venise[3]



Depuis la naissance de l’art (Bataille), la matière a été constamment transfigurée en beauté, grâce aux traits décisifs et à l’alchimie des couleurs. Sollers a su voir dans la peinture autre chose que les larmes d’Eros, essentiellement les plaisirs de Vénus.

La peinture égyptienne, les portraits du Fayoum, les fresques de Pompéi et tout ce qui s’ensuit jusqu’à aujourd’hui, comme la sculpture, livrent aux voyageurs du temps des beautés de mémoire, des fictions ouvertes, des îles enchantées. Chaque grande œuvre est un embarquement pour Cythère pour qui sait écouter les chuchotements dans les bosquets, les froissements du satin, les musiques heureuses. Le voyant, celui qui voit clair, entre dans les danses et assiste vivant à ces jeux d’esprit au sein de ces lieux libres que sont les tableaux.

Suite des classiques et Peinture physique

Si on suppose une logique esthétique dans les goûts picturaux de Philippe Sollers, on peut voir qu’elle tourne autour de deux axes ouverts : celui qui affirme, tel Proust, que les « grands novateurs sont les seuls vrais classiques » et qu’ils forment « une suite presque continue »[4] dans le temps ; et celui de la peinture issue du « physique », idée formulée lors d’une conférence sur Picasso à Beaubourg en janvier 1986 et mise en trame par Jean-Paul Fargier dans Picasso by night by Sollers en 1988 : « L'art moderne a deux pentes spontanées : c'est l'architecture ou le psychisme. L'architecture hante les histoires de futurisme, etc. Du côté psychique, il y a l'histoire surréaliste. Picasso est dans le physique, lui, le physique. Le psychisme, ça l'intéresse très modérément. Et quant à l'architecture, il est bien décidé à la prendre. Et pas à se modeler par rapport à elle. Et quant à l'art moderne et la modernité, sa rage justement à partir de 1960 à peu près, c'est de le prendre à revers. Et alors avec cette rage qui le caractérise, il a pris les moyens d'en finir avec la fable moderne et moderniste, de l'envelopper, de refuser donc cet espace commun ou ce temps commun de l'architecture ou du psychisme, et de bien remettre les choses dans la dimension du peintre et de son modèle, en passant évidemment par tout ce qu'on pouvait lui faire, à lui Picasso, dans l'espace du musée, c'est-à-dire le mettre après Velasquez, Rembrandt, Greco, Delacroix ou Manet. Manet est un signe extrêmement positif pour Picasso. Quand il est dans une phase de bonheur, on voit apparaître la référence à Manet. Le geste Picasso de ce point de vue, ça sera le geste du mousquetaire, et la prise du classique par en bas, et l'écrasement du moderne par en haut. »[5] Ce mousquetaire ou ce pirate, est-ce celui peint par Picasso qui brandit avec calme et énergie son épée en quatrième de couverture de L’Infini ? Sûrement. Guerre régulière du goût[6]. Dans L’Année du Tigre, le 29 décembre 1998 : « Préparation, avec Marcelin Pleynet, du n°65 de L’Infini. Décision de transformer la quatrième de couverture. Un des derniers Picasso s’impose, corsaire illuminé, homéro-shakespearien, avec sa verticale d’épée dans la main droite. Traversée du 20e siècle, abordage du 21e»[7]

* Sur le premier point, il s'agit pour Sollers de prendre le moderne à revers pour être classique et faire partie de cette suite qui va pour lui de la Renaissance italienne (Piero della Francesca, Michel-Ange, Raphaël) et vénitienne (Giorgione, Titien, Véronèse, Tintoret) à De Kooning, Rothko, Bacon et Devade, en passant par Rubens, Poussin, Le Bernin, le XVIIIe siècle français, Delacroix, Courbet, Manet, les impressionnistes, Picasso et Matisse. Les génies sont novateurs et s’inscrivent dans un processus de continuité. Ce rapport à la tradition est fondamental et a sans doute fait l’objet de discussions suivies entre Philippe Sollers et Marcelin Pleynet, autre amoureux de la peinture, qui publie en 1990 aux Editions Gallimard Les Modernes et la tradition. Les deux écrivains sont visiblement d’accord sur ce qu’ils entendent par peinture. Ils peuvent reprendre à leur compte cette inscription à la craie écrite sur un tableau noir dans une scène de Bande à part de Godard (1964) : « Classique = Moderne ». Dans ses textes critiques, Sollers utilise souvent des listes de peintres qui vont de la Renaissance jusqu’à Picasso ou Bacon. Cette liste n’est jamais la même ; c’est une variation, une modulation qui révèle l’un des secrets de son esthétique.

Dans De Kooning, vite, Sollers écrit : « "Tradition", comme n’arrêteront pas de le répéter Picasso et Matisse… Ce sera très mal vu : par les traditionnalistes, d’abord, bien entendu, qui ne reconnaissent pas leur mort académique, leur bon cadavre assuré mondain ; par les modernistes ensuite qui croient à la table rase, à la toute-puissance psychique, au transcendantal dans l’art, au Futur et, finalement, au Supermarché des fétiches, au Kitsch assisté occulte… Guerre sur deux fronts, donc. »[8]




Shitao écrit la même chose dans son traité de peinture lorsqu’il évoque la nécessité de transformer la tradition pour ne pas être englué dans l’imitation académique et pour suivre l’axe révolutionnaire des grands classiques : « L’Antiquité est l’instrument de la connaissance ; transformer consiste à connaître cet instrument sans toutefois s’en faire le serviteur. Mais je ne vois personne qui soit capable d’utiliser ainsi l’Antiquité en vue de transformer, et je déplore toujours cette attitude conservatrice qui reste enlisée dans les œuvres antiques sans pouvoir les transformer ; pareille connaissance asservit ; la connaissance qui s’attache étroitement à imiter ne peut qu’être sans envergure ; aussi, l’homme de bien, lui, n’emprunte-t-il à l’Antiquité que pour fonder le présent. […] Tout ce qui possède des règles constantes doit nécessairement avoir aussi des modalités variables. S’il y a règle, il faut qu’il y ait changement. Partant de la connaissance des constantes, on peut s’appliquer à modifier les variables ; du moment que l’on sait la règle, il faut s’appliquer à transformer. La peinture exprime la grande règle des métamorphoses du monde. »[9] Mathématiques de la peinture.


* Quant à sa notion de peinture « physique », il faut entendre celle qui met en jeu le corps du peintre dans sa rencontre avec la toile et la matière, les peintres de « la main » et du « faire ». Oui, « l’art n’est jamais chaste »[10] : Picasso affirme que le peintre, avec son corps et ses gestes, fait jouer sur la toile l’expression d’une volupté, une volupté forcément révolutionnaire, vécue parfois comme outrageante par des sociétés serties dans de vieilles morales. Déjà Baudelaire, dans ses commentaires du Salon de 1846, énonçait : « Que le moraliste ne s’effraye pas trop ; je ne saurai garder les justes mesures, et mon rêve d’ailleurs se bornait à désirer ce poème immense de l’amour crayonné par les mains les plus pures, par Ingres, par Watteau, par Rubens, par Delacroix ! Les folâtres et élégantes princesses de Watteau, à côté des Vénus sérieuses et reposées de M. Ingres ; les splendides blancheurs de Rubens et de Jordaens, et les mornes beautés de Delacroix, telles qu’on peut se les figurer : de grandes femmes pâles, noyées dans le satin ! Ainsi pour rassurer complètement la chasteté effarouchée du lecteur, je dirai que je rangerais dans les sujets amoureux, non seulement tous les tableaux qui traitent spécialement de l’amour, mais encore tout tableau qui respire l’amour, fût-ce un portrait. »[11] Oui, « l’art n’est jamais chaste ». Chardin n’est pas chaste, Tintoret n’est pas chaste, Piero della Francesca n’est jamais chaste.

En outre, on peut repérer de façon non exhaustive mais néanmoins signifiante, quatre autres points constitutifs du rapport de Sollers à la peinture. L’on pourrait les nommer : L’oreille voit, le vit(e) du peintre, les femmes, et la révolution catholique.

L’oreille voit

A Venise, le voyant découvre, telle une révélation, que les peintures s’écoutent comme de la musique, et que la musique devient peinture. L’interpénétration des arts et des sens est constante dans Venise éternelle, lieu de résistance aux vulgaires banalités des sociétés contemporaines. Stendhal : « To the Happy Few »[12]. Cézanne : « Le goût est le meilleur juge. Il est rare. L’art ne s’adresse qu’à un nombre excessivement restreint d’individus »[13].


Feuille de musique de Picasso, 1912, tel un emblème : un arcane évident, deux ans avant la barbarie. Peinture, érotisme, musique : collage savant.

Lors de la conférence du 18 janvier 2010 au Collège des Bernardins sur le « XVIIIe et la Révolution catholique », Sollers dit : « Nous sommes devant ce papier collé de Picasso 1912. Claudel disait "L’œil écoute". L’oreille peut voir ! »[14] Si de son côté, c’est en appréciant les peintures hollandaises que Claudel croit que l’œil écoute, pour Sollers, c’est non seulement à Venise qu’a lieu cette expérience mais aussi au contact de la peinture française.

Cet intérêt pour la musique des couleurs vient des Vénitiens du XVIe siècle et notamment de cet humaniste proche des peintres, Pietro Bembo, qui restitue le sens de l’ouïe (l’esprit) au même titre que la vue (le corps) pour appréhender la beauté : « Le bon amour est donc désir de cette beauté telle que tu la vois, et d’esprit comme de corps, et c’est pour aller vers elle, qui est son véritable objet, qu’il s’élance en battant des ailes. Pour ce vol il a deux fenêtres : l’une qui le mène à la beauté de l’esprit, c’est l’ouïe ; l’autre, qui le conduit à celle du corps, c’est la vue. En effet tout comme par les formes qui se manifestent aux yeux nous connaissons quelle est la beauté du corps, ainsi par les mots que reçoivent les oreilles nous comprenons quelle est celle de l’esprit ».[15]

Une peinture, c’est un dire, une pensée, une musique, un acte de beauté, une instantanéité heureuse. Une peinture s’écoute. Félix Mendelsshon, durant son séjour à Venise, devant l’Assomption du Titien entend de la musique, ce qu’on pourrait appeler un concert de couleurs : « Je veux voir cette Assomption tous les jours. J’ai du reste été troublé dans mon examen par un véritable sacrilège. Quelqu’un se mit à tapoter de l’orgue, et les saintes figures du Titien furent condamnées à entendre un pitoyable final d’opéra. Là où se trouvent de pareils tableaux, je n’ai pas besoin d’organiste, je me joue à moi-même de l’orgue en pensée. […] Aussi je ne regrette pas beaucoup de n’avoir presque point entendu de musique jusqu’ici ; je ne puis compter comme musique que celle que font les anges qui, dans le tableau de l’Assomption, entourent la Vierge et poussent en son honneur des cris d’allégresse. Il y en a aussi un qui vient au-devant d’elle en jouant du tambourin ; quelques autres qui soufflent dans des flûtes recourbées de forme bizarre, et enfin un délicieux groupe qui chante. »[16]

De même, Sollers, lorsqu’il évoque de l’art de Giorgione et du Titien dans son Dictionnaire amoureux de Venise : « Vénus et Venise associent la beauté du corps féminin et la musique. Le Concert champêtre, au Louvre, préfigure déjà Le déjeuner sur l’herbe de Manet […] La Vénus d’Urbino (1537, à Florence), fixe à jamais la beauté harmonieuse du nu allongé avec main sur le sexe. Vénus avec Cupidon et un organiste (1548, au Prado de Madrid) est un chef-d’œuvre rouge, noir, jaune et blanc, où Titien dit que découvrir la vraie nature de Vénus consiste à savoir jouer de l’orgue et de ses tuyaux, tout en regardant où il faut (la tête du jeune homme est carrément tournée vers le sexe de la blonde charnelle). Jouer, voir, écouter, toucher. Tous les sens sont convoqués sur le théâtre d’amour, ouvrant sur une fontaine, un parc et un ciel lointain. […] Toutes ces femmes, donc, mais aussi toutes les Vierges, dont la plupart sont sûrement des modèles populaires locaux, la plus vibrante et rouge étant celle de Santa Maria dei Frari (L’Assomption). »[17]

Outre la musique, une peinture se parle[18]… Elle est orale. Les mots et la voix font entendre en musique les peintures et les dessins. Sollers, en 1967, donne, par une question à Ponge, sa définition de la peinture et de son rapport à l’écriture : « des tableaux, des peintures, c’est-à-dire des organismes signifiants mais muets qui deviennent, dans cette configuration, comme un relais ou une médiation, par rapport au système d’ensemble. […] Dans la mesure où la peinture prend dans vos textes une place tout à fait spécifique, je voudrais que vous nous expliquiez comment il se fait que c’est au moment même, je crois, où la peinture prend ce rôle dans ce que j’appelle le système de configuration de votre écriture, que vous tentiez, par ailleurs, un exercice oral. »[19] La peinture, comme la musique, chez Sollers, est un autre de l’écriture. Il s’agit d’une lecture[20].

Avec Paradis, Philippe Sollers s’ouvre à la peinture et à la musique comme révélations et jeux avec le verbe, le tourbillon du verbe, des couleurs et des notes, des gestes et du rythme. Sollers soutient en effet que l’idée d’écrire son Paradis lui serait venue lors d’un concert dans la salle du Grand Conseil du Palais des Doges avec en toile de fond le Paradis du Tintoret. Intuition de la polyphonie, d’une danse de tous les sens : « J’écoute la Missa Solemnis de Beethoven dans le Palais des Doges sous le Paradis de Tintoret, c’est-à-dire le tourbillon, avec le couronnement de la Vierge en haut ; et la chose que j’avais à faire, à la faveur de ce tourbillon à la fois musical et plastique et intérieur, dans cet endroit-là et pas ailleurs, s’est montrée. L’évènement est, comme vous voyez, fort complexe et touche à la fois à l’Histoire à venir mais aussi à toutes les stratifications symboliques accumulées depuis autant de temps que vous voudrez. Alors, le vrai contexte de la publication de Paradis, je viens de dire la Bible, bien sûr, et puis tous les départements religieux, théologiques, mystiques, dans quelque tradition que ce soit, y compris évidemment toute la bibliothèque dans son ensemble, reprise et ironisée. »[21]




Le virage esthétique « classique = révolutionnaire » dans les années 80, s’accorde également avec des références à la musique, au jazz et à la musique classique, Bach, Vivaldi, Haydn, et Mozart. Sollers et la musique, autre axe de son esthétique, avec la peinture.

Le vit(e) du peintre

Sollers ne cache pas son penchant pour les peintres qui peignent vite mais avec détermination et choix. Fi du psychisme, de l’inconscient facile, ficelles du hasard trop vite érigé en valeur absolue. Cette vitesse n’est en rien une paresse, elle dérive des préceptes de l’Unique Trait de Pinceau de Shitao :
« La peinture émane de l’intellect : qu’il s’agisse de la beauté des monts, fleuves, personnages et choses, ou qu’il s’agisse de l’essence et du caractère des oiseaux, des bêtes, des herbes et des arbres, ou qu’il s’agisse des mesures et proportions des viviers, des pavillons, des édifices et des esplanades, on n’en pourra pénétrer les raisons ni épuiser les aspects variés, si en fin de compte on ne possède cette mesure immense de l’Unique Trait de Pinceau. […] Par le moyen de l’unique trait de pinceau, l’homme peut restituer en miniature une entité plus grande sans rien en perdre : du moment que l’esprit s’en forme d’abord une vision claire, le pinceau ira jusqu’à la racine des choses. Si l’on ne peint d’un poignet libre, des fautes de peinture s’ensuivront ; et ces fautes à leur tour feront perdre au poignet son aisance inspirée. Les virages du pinceau doivent être enlevés d’un mouvement, et l’onctuosité doit naître des mouvements circulaires, tout en ménageant une marge pour l’espace. Les finales du pinceau doivent être tranchées, et les attaques incisives. Il faut être également habile aux formes circulaires ou angulaires, droites et courbes, ascendantes et descendantes ; le pinceau va à gauche, à droite, en relief, en creux, brusque et résolu, il s’interrompt abruptement, il s’allonge en oblique, tantôt comme l’eau, il dévale vers les profondeurs, tantôt il jaillit en hauteur comme la flamme, et tout cela avec naturel et sans forcer le moins du monde. »[22] L’art de Sollers.

Le « Fa presto », le « Non finito » et la « Sprezzatura » sont les armes préférées des peintres que Sollers aime à citer. Baldassar Castiglione dans Le Livre du Courtisan en 1528 : « Souvent aussi en peinture une seule ligne non travaillée, un seul coup de pinceau aisément donné, de manière qu’il semble que la main, sans être guidée par aucune étude ou par aucun art, aille d’elle-même à son but suivant l’intention du peintre, démontre clairement l’excellence de l’artiste, que chacun ensuite apprécie selon son propre jugement. »[23] Le vite du peintre ou de l’écrivain est un gage de plaisir, de sensualité, de sensations amoureuses. Le pennello, le pinceau, est aussi en italien, le petit pénis. Le geste de peindre, caresser les toiles avec les poils, tout un langage charnel, érotique, précis, avec lequel les peintres les plus facétieux jouent.

Sollers cite Renoir à la fin de L’Etoile des amants : « Le peintre Renoir, à la fin de sa vie, a les mains paralysées, il peut à peine tenir son pinceau, un journaliste lui demande comment il va faire. L’autre, volontiers trivial quand on l’ennuie, répond que, s’il le faut, il peindra avec sa queue. […] Renoir ajoute bientôt : "Quels êtres admirables que ces Grecs, leur existence était si heureuse qu’ils imaginaient que les dieux, pour trouver leur paradis et aimer, descendaient sur la terre… Oui, la terre était le paradis des dieux. Voilà ce que je veux peindre " […] Le peintre fou continue : "C’est dommage qu’on ne puisse pas raconter plus tard que je peignais entouré de nymphes et couronné de roses, ou encore avec une belle fille sur les genoux, ce qui devait être un peu gênant" ».[24]

Les femmes

Sollers dans un entretien à Beaux-Arts[25] s’exprime sur ses premières impressions avec la peinture, lorsqu’il avait 15 ans : une affaire de femmes nues, de beautés et de poésies.[26] Après les premiers émois, le goût des modèles avec en toile de fond le bordel des Demoiselles d’Avignon. Dans les années 80, pour Sollers, le politique se métamorphose en esthétique. De plus, les questions de l’érotisme et de la sexualité sont au cœur de ses trames romanesques (Femmes, Portrait du Joueur, Le Cœur Absolu, Les Folies françaises, Paradis 2, Le Lys d’or, La Fête à Venise). Il interroge donc le rapport rapproché et évident des peintres avec les femmes, modèles ou autres. En effet, à partir de la publication de Femmes en 1983 et de la poursuite de Tel Quel en L’Infini chez Gallimard, Sollers marque plus profondément son intérêt pour la peinture, notamment en publiant des essais[27], et en insistant sur ses peintres préférés dont en premier lieu : Picasso, le héros.

Sollers pense comme Renoir qu’en littérature aussi bien qu’en peinture, on ne reconnait le véritable talent qu’aux figures de femmes. Dans un entretien avec les peintres Louis Cane et Marc Devade en décembre 1978, « Pourquoi je suis si peu religieux ? », Sollers, en parlant de Mark Rothko et de Barnett Newman, dit : « Il faut regarder comment ces gens se débrouillent avec l’histoire de la femme, avec l’affaire-femme, la ferfemme. La ferfemme, c’est le cas de le dire, ça y croit dur comme fer et c’est pas obligatoire qu’un sujet s’en arrange. Pour comprendre ce côté-là, il faut aller, non pas vers la question du Christ, mais vers la question de la ferfemme. Il y a beaucoup à parier que, par exemple, Matisse passe mieux le détroit. Si vous préférez, il s’arrange mieux, de façon plus heureuse – ça compte, le fait que tout ça rende finalement plus ou moins heureux… Je ne vois pas l’intérêt de s’occuper d’art si c’est pour déboucher nécessairement sur le funèbre. »[28] Sollers suit ici les choix de Goethe : « L’art n’a pas à représenter ce qui est pénible »[29] et de Lautréamont : « Il faut faire voir tout en beau »[30], incises toujours révolutionnaires aujourd’hui dans l’esthétique.

« On avance sans "progrès" (pas de progrès en art) dans la compréhension des substances, dont la féminine est la clé (Fragonard a vu cette percée). »[31] « De Kooning : "Le contenu du tableau, c’est un éclair, une rencontre éclair, comme une illumination, c’est très, très ténu (tiny)." Et il en est ainsi de tous les tableaux ! Rembrandt ! Titien ! Vélasquez ! Greco ! D’autant plus que ce contenu-là, le contenu du contenu, The Femme, autrement dit – mais pas seulement – le contenant d’où provient le corps de l’artiste lui-même, son enveloppe, la matrice du mannequin, pouvait – et peut toujours – changer à chaque instant, s’effondrer, se recomposer dans la ruse de l’apparition. »[32]

Dans les romans de Sollers, il décrit souvent des scènes érotiques avec modèles populaires, des petits portraits, des miniatures, des épiphanies peintures. Ces modèles apparaissent comme les personnages d’un tableau vivant et charnel. Un peu à la manière de Joyce dans l’Epiphanie XXXIX : « Elle est debout, son livre tenu légèrement à la hauteur de sa poitrine, lisant la leçon. Sur l’étoffe sombre de sa robe son visage, traits doux, yeux baissés, émerge, contour flou dans la lumière ; et, d’un bonnet à plis, posé négligemment en avant, un gland tombe sur ses cheveux châtains bouclés… Quelle leçon lit-elle – s’agit-il de singes, d’étranges inventions, ou de légendes de martyrs ? Qui sait la profondeur de méditation, le poids de souvenirs que recèle cette silhouette gracieuse de Raphaël ? »[33] Une liseuse devient un Raphaël. Cette liseuse aurait pu être chez Sollers un Fragonard ou bien un Renoir.

En effet, pour Sollers, chaque tableau évoque un roman ou plusieurs où les femmes ont des rôles de choix. Les peintures nous racontent des histoires et s’inscrivent dans une pensée du temps. Voici quelques exemples de portraits féminins pris parmi tant d’autres et librement associés à des peintres que Sollers apprécie particulièrement…

* Rubens et la poissonnière I (Le Cœur Absolu)
« La merveilleuse poissonnière du marché ? Je pourrais rester des heures à la regarder… Elle resplendit, en tablier bleu, au milieu des rougets, des soles, des sardines, des thons, des dorades, des raies… Glace et nature morte presque palpitante, vingt mille lieues sous les mers… Vous avez vu ces joues ? Ces bras ? Ce nez ? Ce sourire ? Ces yeux bleus profonds ? […] Je lui achète du poisson pour le plaisir, surtout pour voir ses mains manier le couteau… Un jour, je prétexte que je n’ai personne chez moi pour préparer un plat… Des amis à recevoir… Elle se propose…
-       « Je viens vous les ouvrir » ?
-       Oui… Les ouvrir et les cuisiner…
Elle est excitée… Elle s’est aspergée de parfum…Je l’embrasse dans le cou, pendant qu’elle éventre délicatement des rougets dans l’évier… Ses doigts dans la lumière des écailles… »[34]

Un leitmotiv se dessine dans tous ces portraits. C’est d’abord une rencontre fortuite qui concerne une femme plutôt bien en chair, acceptant toujours son corps comme pouvant être un corps érotique. Cette femme ensuite attire le narrateur par son savoir-faire manuel : Elle découpe les poissons, les vide avec dextérité et précision.  Puis il y a un rendez-vous amoureux avec le narrateur, chez lui ou chez elle. C’est l’occasion pour Sollers de jouer avec les postures, de faire dévier les gestes quotidiens de ces femmes vers une pente plus sensuelle.


Ces femmes semblent être toutes différentes et pourtant, elles se ressemblent par certains côtés. Elles sont le réel imprévu des narrations de Sollers, des tableaux de vie similaires. On peut garder en mémoire, exceptionnellement, en écho à ces portraits, ces quelques vers de Verlaine : « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant / D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime, / Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même / Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend. […] Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l'ignore. / 
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore »[35]

* Courbet et la charcutière (Passion fixe)
« La voilà, une fois de plus, elle, la belle charcutière rousse, assise avec son bouillon chaud, et lisant. Quel journal ? Impossible de voir. Elle est fine et enveloppée, elle a son tablier blanc et ses bottes. […] Là sont, alignées, côte à côte, la fleuriste, la bouchère, la fromagère et la poissonnière, mais la charcutière est, sans conteste, la reine du lieu. Un peu grosse, d’accord, mais ravissante. La grâce de la graisse assumée, si contraire aux conseils des magazines Leymarché-Financier, un début de double-menton mangeable, des mains légèrement boudinées agiles, des yeux noirs sérieux sur les colonnes de son quotidien… Elle se met à fumer, maintenant, toutes les qualités sont en elle. Elle est propre, en pleine santé, joues rondes un peu roses, petit nez… […] Voilà, elle se lève, reboutonne son tablier (plan à filmer) »[36]

Ces femmes sont plutôt potelées comme dans les tableaux de Rubens, de Boucher, de Fragonard, de Courbet, de Renoir, de Picasso et de Matisse. La charcutière qui reboutonne son tablier est un rappel du très beau plan filmé par Jean-Daniel Pollet dans Méditerranée (1963). Une jeune femme reboutonne sa robe en plein vent avec lenteur. Ce plan d’une très grande sensualité ouvre à un autre érotisme qui touche à l’intime, au secret, au non dévoilement.

Ces femmes sont également des modèles que le peintre et l’écrivain transforment en Vénus. Elles apparaissent comme des roses, sans pourquoi. Elles sont radicales et connaissent l’improvisation, des danseuses de l’amour furtif. Il y a également la kiosquière, la bijoutière, la fleuriste (Le Cœur Absolu), la boulangère (Une vie divine) et d’autres encore.



* Renoir et la poissonnière II (L’Etoile des amants)
« Prenons cette poissonnière, par exemple, dans son magasin tout frais et tout neuf. Elle est très grosse mais bizarrement gracieuse, très brune, le teint hâlé, l’œil allumé. Il est évident que son volume doit décourager le client éventuel, même s’il peut être sensible à sa façon précise et expéditive d’éventrer les bars et les dorades, de les vider à mains nues, de leur couper sèchement la tête, de les écailler, de les laver au jet d’eau, de les peser, de les empaqueter, de vous les jeter dans les bras avec un sourire illuminant ses belles joues rondes. […] La ravissante grosse poissonnière est une virtuose, une danseuse pointue, une inspirée légère, pesant dix fois moins lourd que ses concurrentes maigres, son complexe de honte est retourné, elle sait exactement où elle veut en venir avec ce type inconnu qui lui a tapé dans l’œil, hier, à l’improviste. […] Trois heures, ruelle chaude, personne, le mari et les enfants doivent dormir. Ni vu ni connu, quatre ou cinq fois, et puis l’oubli, mais toujours le sourire. C’est un exorcisme, on n’a pas besoin d’en dire plus. Elle est contente, détendue, gratuite. Divine, elle aussi, donc méconnue. »[37]


Ces figures de femmes sont l’exact contrepoint de la fausse beauté des magazines, de la mode, qui met en jeu la chirurgie esthétique, l’anorexie, la maigreur, l’artifice marchand, les « beautés d’hôpital » comme les qualifiait Baudelaire.

La révolution catholique

Dès Paradis, Sollers affirme son penchant esthétique pour la voie catholique et se dit ouvertement papiste, ce qui choque et déstabilise une bonne partie de l’intelligentsia essentiellement située à gauche. Récemment, Sollers active la notion de « révolution catholique » contre la dénomination réductrice et trop facilement appliquée selon lui de « Contre Réforme ». Dans cette révolution, l’écrivain met en scène Titien, Le Bernin bien sûr, mais aussi Watteau, Fragonard, Renoir, Cézanne, Matisse et Picasso. Et les musiciens.

Cette révolution, qui a lieu pendant la Renaissance en Italie, fait entrer la pensée grecque dans la théologie catholique. Le profane s’immisce dans le sacré et vice versa. Les Vénus et la Vierge se côtoient et ont les mêmes visages : désirs, jouissances, beautés mystiques.

Cette révolution est une guerre dans laquelle l’art pictural a une place de choix. Dans Guerres secrètes et Fleurs, Sollers termine par des évocations à la peinture : conclusions ouvertes, comme un art de guerre et de beauté.

- Fleurs : « J’ai privilégié, dans ce livre, la mythologie, la théologie, la mystique, la littérature, la poésie. J’aurais pu m’en tenir exclusivement aux peintres, chacun ses fleurs, mais ce serait un autre livre, d’ailleurs passionnant à faire. […] Fra Angelico, Léonard de Vinci, Titien, Tintoret (pour ne citer qu’eux), ont chacun leurs raisons discrètes. Sous couvert de christianisme, il s’en passe de belles. »[38]
- Guerres secrètes : « Je terminerai en citant le beau livre d’Augustin de Butler, Lumières sur les impressionnistes, pour apprécier la guerre secrète des peintres, qui résume bien toutes les guerres que nous avons croisées. Manet, Monet, Degas, Pissarro, Renoir, Cézanne, Rodin, Picasso, Matisse. L’auteur m’envoie une carte postale où figure une reproduction de Watteau (1684-1721), Wallace collection, et cette citation de moi qu’il colle derrière : "Le mur de béton qui a consisté à couper le génie français de son histoire, je m’y cogne la tête tous les jours." […] La guerre secrète est constante. De temps en temps, elle éclate en plein jour. N’oublions pas que cette guerre est divine. Du silence, de la grossièreté, des massacres, et soudain un miracle ; puis des massacres à nouveau. La guerre continue, la stratégie aussi, conçue comme un art de vivre, une guerre du goût. Le lettré, le poète, le calligraphe, le peintre, le musicien, le penseur pénètrent ce chaos apparent et donnent la leçon sensible d’un détachement par rapport à ce bruit et à cette fureur. […] Cette histoire d’art est une grande guerre, et cette guerre continue à coups de millions de dollars. Il faut toujours se préoccuper de ce que les gens qui font profession de penser savent voir en peinture, en sculpture, en architecture, et écouter en musique. […] Guerre secrète contre quoi ? L’insensibilité, la grossièreté, la vulgarité, la prétention ignorante, la pruderie (y compris pornographique), la laideur, la brutalité, la bêtise. Cézanne : "Les sensations formant le fond de mon affaire, je me crois impénétrable." L’impénétrable est notre allié. »[39]

Sollers utilise la pensée catholique pour dire sa guerre contre le puritanisme à travers les âges et pointer les travers du protestantisme qui a voulu à un moment donné détruire la beauté des peintures lors du sac de Rome en 1527. Ce « contre les images » puritain est un « contre l’érotisme » et un « contre secret ». Il faut que les murs des Temples soient neutres et non salis par des couleurs festives de Raphaël et de Michel-Ange. Il faut une transparence de façade pour mieux asservir les fidèles à coup de sermons moralisateurs et culpabilisateurs. Au cœur du protestantisme, il y a un véritable rejet des artistes, de la dépense au profit du calcul, du profit, de la collection. Quand Warhol met à nu le marché et retourne l’art en art/gent, Sollers en fait un saint d’aujourd’hui, presque un catholique dans sa quête d’icônes mondialisées par les médias.


Lors de sa conférence du 18 janvier 2010 au Collège des Bernardins, « XVIIIe et la Révolution catholique » Sollers évoque la nécessité des dieux et d’un imaginaire lié à la culture catholique : « Eh bien, Renoir en 1910, juste avant la première catastrophe mondiale dit la chose suivante (en préface d’un Traité de peinture) : "Le sentiment religieux s’est peu à peu affaibli au cours des siècles. Mais les règles établies sous son influence avaient des fondements si solides que jusqu’à la période révolutionnaire ce qu’il en demeura suffit pour maintenir l’art à un niveau supérieur chez les peuples de culture catholique. C’est à dessein que j‘emploie l’expression 'culture catholique' parce qu’elle marque à mes yeux la différence essentielle entre les idées... Abandonné de la masse, le catholicisme semble à beaucoup agonisant et rien ne pointe à l’horizon pour le remplacer. On ne veut plus de Dieu et les dieux sont nécessaires à notre imagination"[40]. »

Lionel Dax – Eté 2010
Première version du texte publié avec quelques variantes dans
« Philippe Sollers ou l’impatience de la pensée » aux éditions PUF,
Sous la direction d’Anne Deneys-Tunney – Parution mai 2011



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Annexes : La peinture, évidences


Beautés des titres

Bras de Seine près de Giverny, 1959 – La Lecture de Poussin, 1961 – Le Mur du sens. Réflexion sur les peintures de Mark Rothko, 1964 – Pour De Kooning, 1977 – Psaume (Rothko), 1979 – De la virilité considérée comme un des beaux-arts (Picasso), 1981 – La Fornarina (Raphaël), 1983 – Le Cavalier (Bernin), 1983 – Picasso by night, 1986 – Les Surprises de Fragonard, 1987 – Les Épiphanies de Twombly, 1987 – De Kooning, vite, 1988 – Le Feu de TitienRéserve de PoussinL’Expérience intérieure de Francis BaconLe Paradis de PieroLa Guerre de Paolo Uccello, 1992 – Saint WarholLe Paradis de Cézanne, 1995 – Les Passions de Francis Bacon, 1996 – Picasso, le héros, 1996 – Shitao, l’unique, 1998 – L’Œil de Proust, 1999 – Les Dieux de Renoir, 2001 – Les Vertiges d’Adriana Varejão, 2004 – L’Origine du délire (Courbet), 2006 – L’Oreille de Van Gogh, 2009, et ainsi de suite…


Beautés des couvertures

Sollers, dans Un vrai roman. Mémoires (Plon, 2007, pp. 211-212), évoque les couvertures de ses livres de poche : « J’ai obtenu, grâce à l’amicale complicité d’Antoine Gallimard et d’Yvon Girard, la permission de choisir moi-même les couvertures de mes livres en Folio, là encore, excusez-moi, la meilleure, et de loin, collection de poche. Même livre, mais autre livre, public plus jeune, autre typographie, autre rapidité d’effet. Pour Femmes, Les Demoiselles d’Avignon ; pour le Cœur absolu, des roses de Manet ; pour Les Folies françaises, un détail de La Grande Odalisque, d’Ingres ; pour Le Secret, un détail de La Flagellation, de Piero della Francesca ; pour Théorie des exceptions, un portrait enlevé de Fragonard ; pour La Guerre du goût, un Dionysos empourpré et volant de Titien ; pour Eloge de l’infini, une tête de pirate de Picasso ; pour Passion fixe, un nu de Picasso (encore lui) ; pour L’Etoile des amants, un détail de Gilles de Watteau ; pour Carnet de nuit, Le Jeune Peintre du tout dernier Picasso (toujours lui) ; pour Une vie divine, un flambant portrait de Titien, le jeune et futur cardinal Ranuccio Farnese.

Ces couvertures sont tout simplement belles, elles sont très à contre-courant (c’est-à-dire dans un courant futur), elles parlent d’elles-mêmes, elles sont très affirmatives. Ma préférée est peut-être celle de Studio, un Shitao de méditation détachée et intense. On entre ici dans la « ténuité » chinoise : « La ténuité est ce qui a quitté le non-être pour entrer dans l’être. Elle a une norme sans avoir encore une forme. »
Ou, si vous préférez :
« Le sot ne voit même pas ce qui est achevé, le sage aperçoit ce qui n’est pas encore en germe. »
Le tableau s’appelle Clair de lune sur la falaise. Deux petites maisons aux toits bleu clair, éclairées comme dans un plein jour légèrement brumeux, au pied d’un précipice vertical, et, dans l’une des maisons, à peine visible, sans doute l’auteur du tableau lui-même. On peut voir ce chef-d’œuvre, aujourd’hui même, au musée du Palais, à Pékin. »

Picasso, Les Demoiselles d’Avignon (détail) pour Femmes (1985 éd Folio)
Attribué à Corrège, Portrait de jeune homme pour Portrait du joueur (1986 éd Folio)
Fragonard, L’Inspiration pour Théorie des Exceptions (1986 éd Folio)
Manet, Roses dans un verre à champagne pour Le Cœur Absolu (1989 éd Folio)
Ingres, La Grande Odalisque (détail) pour Les Folies Françaises (1990 éd Folio)
Titien, L’Amour sacré, l’amour profane (détail) pour Le Lys d’or (1991 éd Folio)
Picasso, Maternité pour Improvisations (1991 éd Folio)
Manet, Le Grand Canal à Venise pour La Fête à Venise (1993 éd Folio)
Bellini, Retable de Saint Job (détail) pour Paradis (1994 éd Point poche)
Piero della Francesca, La Flagellation (détail) pour Le Secret (1995 éd Folio)
Picasso, Tête d’homme au chapeau pour Paradis 2 (1995 éd Folio)
Titien, Bacchus et Ariane (détail) pour La Guerre du Goût (1996 éd Folio)
Denon, Autoportrait pour Le Cavalier du Louvre (1997 éd Folio)
Patrick Messina, Photo de Philippe Sollers, 1997 pour Vision à New York (1998 éd Folio)
Shitao, Clair de lune sous la falaise pour Studio (1999 éd Folio)
Johann Berka, Portrait de Casanova pour Casanova, l’admirable (1999 éd Folio)
Picasso, Nu dans un jardin (détail) pour Passion fixe (2001 éd Folio)
Greco, Le Martyre de saint Maurice (détail) pour Une curieuse solitude (2001 éd Point poche)
Tsi Pai-Che, Gravure en couleur (détail) pour Le Parc (2001 éd Point poche)
Fragonard, Le Verrou (détail) pour Liberté du XVIIIe siècle (2002 éd Folio)
Rodin, La Porte de l’Enfer (détail) pour La Divine Comédie (2002 éd Folio)
Picasso, Tête d’homme III (détail) pour Eloge de l’infini (2003 éd Folio)
Joseph Lange, Portrait inachevé de Mozart pour Mystérieux Mozart (2003 éd Folio)
Watteau, Gilles (détail) pour L’Etoile des amants (2004 éd Folio)
Piero della Francesca, Ange pour Illuminations (2005 éd Folio)
Picasso, Le Jeune peintre pour Carnet de nuit (2006 éd Folio)
Titien, Le Cardinal Ranuccio Farnèse (détail), 1542 pour Une vie divine (2007 éd Folio)
Picasso, Autoportrait, 1907 pour L’Evangile de Nietzsche (2008 éd Folio)
Le Bernin, Le Rapt de Proserpine (détail) pour Guerres secrètes (2009 éd Folio)
Monet, La Maison rouge (détail), 1908 pour Un vrai roman. Mémoires (2009 éd Folio)
Manet, Berthe Morisot au bouquet de violettes pour Les Voyageurs du temps (2010 éd Folio)
A suivre…


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2e Festival Ironie / Editions du Sandre / Galerie Episodique

Retenez votre soirée et votre nuit
Le vendredi 17 juin de 18h à 6h du matin
Au 23, passage de Ménilmontant – 75011 Paris


[1] On peut aisément remplacer dans ce texte le mot « peinture » par « écriture » ou « musique » tant ces domaines entrent en résonnance, toujours, dans l’esthétique de Philippe Sollers. De même, le mot « peintre » peut être invariablement changé en « écrivain » et/ou en « musicien ». Sollers, Femmes : « Quand on revient sur les époques troublées, catastrophiques, et elles le sont toutes, qu’est-ce qui reste, finalement ? … Tableaux, livres, musique… Ils le savent… C’est ça qu’ils veulent empêcher, au fond… Le reste est sans raison. » Gallimard, Coll. Folio, 1985 (1ère éd. 1983), p. 557.
[2] Auguste Renoir : Ecrits et propos sur l’art, Hermann, 2009, p. 223.
[3] Philippe Sollers : La Fête à Venise, Gallimard, 1991, p. 225.
[4] Marcel Proust : Ecrits sur l’art, Flammarion, coll. GF, 1999, p. 342.
[5] Philippe Sollers : Discours parfait, Gallimard, 2010, p. 699.
[6] Philippe Sollers : Un vrai roman. Mémoires : « Les peintres, les musiciens, les écrivains sont des mousquetaires. Les penseurs, parfois (c’est rare, mais qui est plus mousquetaire que Nietzsche ?). Plume, pinceau, clavier, épée : même substance. C’est toujours la guerre : tous pour un, un pour tous. » Plon, 2007, p. 226.
[7] Philippe Sollers : L’Année du Tigre, Seuil, 1999, p. 311.
[8] Philippe Sollers : De Kooning, vite, in La Guerre du Goût, Gallimard, 1996, p. 127.
[9] Pierre Ryckmans : Traduction et commentaire de Shitao. Les propos sur la peinture du Moine Citrouille-Amère, Plon, 2007 (1ère édition : 1970), p. 41.
[10] Pablo Picasso : Propos sur l’art, Gallimard, 1998, p. 170.
[11] Charles Baudelaire : Ecrits sur l’art, Hachette, Coll. Livre de poche classique, 1999, pp. 174-175.
[12] Dédicace célèbre de La Chartreuse de Parme.
[13] Paul Cézanne : Correspondance, Grasset, 1978, p. 377.
[14] Conférence retranscrite sur le site : http://www.pileface.com.
[15] Pietro Bembo : Les Azolains (Gli Asolani), Les Belles Lettres (1ère édition), 2006, p. 145.
[16] Félix Mendelssohn : Lettres, Editions Archives Karéline, 2008, pp. 36-38.
[17] Philippe Sollers : Dictionnaire amoureux de Venise, Plon, 2004, pp. 442-443.
[18] Le 16 mars 1978, dans un entretien avec Louis Cane et Marc Devade, « Le tri », Sollers dit : « La peinture, donc, puisque c’est ça qui vous intéresse, je pense que c’est la continuation de la parole par d’autres moyens. » Philippe Sollers : Improvisations, Gallimard, Coll. Folio essais, 1991, pp. 215-217.
[19] Entretiens de Francis Ponge avec Philippe Sollers, Ed. Gallimard/Ed. Seuil, Coll. Point Essais, 2001 (1ère édition 1970), p. 82.
[20] C’est la thèse que Sollers développe dans son texte de 1961 dans le n°5 de la revue Tel Quel : La Lecture de Poussin, texte repris dans L’intermédiaire, Seuil, 1963. Selon lui, les peintures de Poussin peuvent se lire comme du texte. Ce ne sont plus des caractères, mais des formes et des couleurs qui créent un style, un langage propre, au même titre qu’une écriture, qu’il faut savoir lire, donc savoir vivre.
[21] Entretien avec la revue web In Situ !, réalisé le 3 avril 2006, In Situ ! n°3, automne 2006.
[22] Pierre Ryckmans : Traduction et commentaire de Shitao. Les propos sur la peinture du Moine Citrouille-Amère, Plon, 2007 (1ère édition : 1970), pp. 17-18.
[23] Flammarion, Coll. GF, 1991, p. 58.
[24] Philippe Sollers : L’Etoile des amants, Gallimard, 2002, p. 156.
[25] Cf. « Le jardin secret de Philippe Sollers », Beaux-Arts n°110, mars 1993.
[26] Su Dongpo ne dit-il pas : « Peinture et poésie constituent originellement une seule et même discipline. » In Pierre Ryckmans : Traduction et commentaire de Shitao. Les propos sur la peinture du Moine Citrouille-Amère, Plon, 2007 (1ère édition : 1970), p. 110. Et aussi Sollers, dans L’Année du Tigre, Seuil, 1999, p. 273 : « Discussion avec Pleynet sur Rothko. La vraie "ligne", de Tel Quel à L’Infini, a toujours été la même : Art, Poésie. Bien entendu, il a fallu, très souvent, faire semblant de s’intéresser à autre chose. ». On ne peut pas être plus clair, en logique avec ses premières impressions.
[27] Ce dialogue avec la peinture dans les essais et catalogues de cette période est très présent aussi dans les trames romanesques, par touches. Marcelin Pleynet tient à signaler à la fin d’un essai : « Faut-il préciser que les essais de Sollers sur l’art sont très étroitement associés à ses romans » in « Art et littérature au XXème siècle », L’Infini, n° 64, hiver 1998 ; repris dans Comme la poésie, la peinture, Editions du Sandre/Editions Marciana, 2010, p. 79.
[28] Philippe Sollers : Improvisations, Gallimard, Coll. Folio essais, 1991, pp. 132-133.
[29] Goethe : Maximes et Réflexions, Payot & Rivages, 2001, p. 95. Cette phrase est aussi l’exergue du livre de Lionel Dax : La Caresse, Editions Terrail, 2004.
[30] Isidore Ducasse : Poésie I, in Œuvres complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2009, p. 270.
[31] Philippe Sollers : Dictionnaire amoureux de Venise, Plon, 2004, p. 221.
[32] Philippe Sollers : De Kooning, vite, in La Guerre du Goût, Gallimard, 1996, p. 134.
[33] James Joyce : Œuvres, Tome I, Gallimard, Coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1982, p. 104.
[34] Philippe Sollers : Le Cœur Absolu, Gallimard, Coll. Folio, 1989 (1ère édition : 1987), p. 254.
[35] Paul Verlaine, « Mon rêve familier » in Poèmes saturniens, Hachette, Coll. Livre de poche, 1996 (1ère édition : 1866), p. 36.
[36] Philippe Sollers : Passion fixe, Gallimard, 2000, pp. 237-238.
[37] Philippe Sollers : L’Etoile des amants, Gallimard, 2002, pp. 108-110.
[38] Philippe Sollers : Fleurs, Hermann, 2006, p. 117.
[39] Philippe Sollers, Guerres secrètes, Editions Carnets Nord, 2007, pp. 295-298.
[40] Auguste Renoir : Ecrits et propos sur l’art, Hermann, 2009, p. 265.

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