Ironie Ironie Ironie
Interrogation Critique et Ludique n°160 – Novembre/Décembre
2011
http://ironie.free.fr – ISSN 1285-8544
IRONIE : 51, rue Boussingault - 75013 Paris
______________________
Où en sommes-nous avec Manet
?
Entretien avec Juliet Wilson-Bareau réalisé par Samuel
Rodary
Moïse sauvé des eaux (esquisse), v. 1858-1860, Galerie nationale (Oslo)
Manet
est mort il y aura bientôt cent trente ans et l’actualité – une exposition lui
est consacrée au musée d’Orsay – nous amène à soulever une question simple :
« Où en sommes-nous avec Manet ? » Vous êtes une pionnière dans
l’étude de l’œuvre de ce peintre si l’on considère que la grande rétrospective
de 1983 a véritablement ouvert cette étude. Étude que, de votre côté, vous
poursuivez imperturbablement. Pourriez-vous revenir sur ce moment décisif et
nous préciser quel était alors l’état de la question ?
On peut
en effet revenir trente années en arrière pour évoquer qu’à cette époque-là, on
se sentait au fond certainement en train d’attaquer un nouveau sujet. Nous
avions évidemment, avant de nous réunir en équipe pour cela, énormément lu,
étudié. On avait aussi déjà travaillé – moi, surtout sur les estampes de Manet.
C’est pour ça qu’on m’a demandé de faire partie de cette équipe et de faire les
notices sur les estampes, alors que Michel Melot, à l’époque conservateur en
chef des estampes à la Bibliothèque nationale, a fait l’article sur l’estampe
dans le catalogue. Il a eu la gentillesse de dire que j’en savais plus que lui
sur, si vous voulez, le catalogage des estampes parce que je m’étais consacrée
à ça depuis un certain temps. Donc chacun apportait ce qu’il avait déjà étudié,
et c’était très étonnant parce que, au fur et à mesure de l’avancée des
travaux, on était en train de faire vraiment de la recherche originale, et
chacun jetait ses idées là-dedans.
Il faut
dire qu’au départ, aucun de nous ne pouvait se considérer comme vraiment
spécialiste de l’œuvre de Manet : nous étions des historiens d’art ou des
conservateurs qui savions quelques choses, mais nous ne savions absolument pas
tout. Donc, on s’est tourné vers ce qui avait déjà été écrit. C’était l’époque
où les idées de Michael Fried étaient très répandues. On sortait de l’époque de
Bataille, que Françoise Cachin avait connu et que naturellement tout le monde
avait lu. C’était l’époque où il y avait un grand bouleversement chez les
historiens d’art pour trouver les sources : les sources anciennes, ou les
sources contemporaines qui pouvaient s’appliquer et expliquer – parce qu’on croyait
que les sources pouvaient expliquer l’art d’un peintre – et je me souviens
toujours de Françoise Cachin râlant contre ces sources que l’on trouvait dans
d’horribles gravures sur bois publiées dans des encyclopédies de l’époque... Si
vous lisez les notices de ce catalogue, on cite énormément ces sources, on cite
les critiques de l’époque de Manet et les critiques venues après. Donc, on
était vraiment en train de jouer avec le bagage qu’il y avait déjà autour de
Manet à cette époque-là.
Est-ce
que l’on peut considérer cette exposition, cent ans après la mort de Manet,
comme un aboutissement ou bien est-ce, au contraire, le début d’une nouvelle
aventure ?
Sans
aucun doute, une nouvelle aventure, parce qu’étant donné qu’il s’agissait d’une
exposition, on devait tout le temps penser aux œuvres elles-mêmes, à leur
agencement, à la chronologie de l’œuvre complet de Manet, et même à l’insertion
des prêts dans les salles, parce qu’il fallait penser aussi à l’accrochage tout
au long du processus. Je crois avoir raconté plusieurs fois qu’on avait des
surprises. On avait obtenu le prêt du merveilleux Gamin au chien qui,
quand il a été accroché dans les salles – il était toujours daté de 1861-1862 –
avec les tableaux du début, il détonnait. Et on était un peu consterné. On ne
comprenait pas. On a trouvé que ça ne s’intégrait pas, par sa tonalité, avec
l’ensemble des œuvres de cette époque et ce n’est que plus tard, quand on a pu
(parce que le tableau était dans une collection particulière) faire
radiographier cette toile, que l’on s’est aperçu que le tableau, à l’origine,
correspondait parfaitement avec l’eau-forte éditée en 1862 dans les huit
eaux-fortes publiées chez Cadart, et que, dans son état définitif, il
correspondait parfaitement à la lithographie éditée en 1874 ! Ce qui veut dire
que Manet avait fait des changements. Et ces changements, il les avait sans
aucun doute faits au moment où il vend ce tableau avec tout le lot d’une
vingtaine de tableaux de son atelier à Paul Durand-Ruel (en 1872). À cette époque,
quand il a fait sa vente à Durand-Ruel, il a en quelque sorte remis au goût du
jour les tableaux les plus anciens, parce qu’aucun peintre ne veut montrer
qu’il n’est pas arrivé à vendre une œuvre qui traîne chez lui depuis dix ans,
donc il modernise, met au goût du jour, ou même simplement parce que le peintre
a évolué et il veut qu’une peinture qu’il aime reflète sa nouvelle conception.
Donc ce tableau, tout à coup, est devenu parfaitement compréhensible, parce que
dans son état définitif, il correspondait à la fin des années 1860 ou au début
des années 1870.
Ça nous
a amenés – ça m’a amenée – à vraiment réfléchir sur toute la question de
l’évolution des tableaux, pas seulement les tableaux que Manet a changés
lui-même pour différentes raisons, mais aussi les tableaux qui ont été
présentés au Salon, dans une exposition, chez Martinet en 1863, ou dans les
différents Salons. Il faut prendre en compte la gestation d’un grand tableau et
se dire aussi que dans l’atelier d’un artiste, il aura une dizaine de tableaux,
et même des tableaux de grand format, sur lesquels le peintre est en train de
travailler plus ou moins en même temps : il en fait avancer un, et puis ça ne
va pas, il se tourne vers un autre, il a un moment d’inspiration pour un
troisième, et c’est comme ça qu’un peintre travaille. Il ne fait pas un tableau
à la fois. Et aussi il est en train de faire des tas de choses en même
temps : des dessins, des eaux-fortes, et c’est tout un ensemble de
tableaux qui sont reflétés, qui peuvent être reflétés, dans un tableau qui peut
être de très très longue haleine, et je crois qu’on n’a jamais pris ça vraiment
en considération et on ne le prend pas en considération, encore. On considère
et l’on dit généralement que la date marquée sur une toile ou, si elle n’est
pas datée, sa présentation dans une exposition fixe le moment où l’artiste l’a
peinte, et ça ne peut absolument pas être le cas, surtout avec des tableaux
très élaborés et de grande dimension.
Depuis
cette exposition, vous avez fait beaucoup de travaux sur des tableaux en allant
au plus près de l’œuvre et en travaillant à partir de photographies anciennes
et de radiographies, en montrant que justement il y a eu ces modifications, ce
qui bouscule un peu la chronologie des œuvres de Manet, et ça c’est quelque
chose qui n’a pas été vraiment intégré...
C’est-à-dire
que c’est très difficile pour les gens qui étudient. Ils vont aux ouvrages qui
sont basés sur les différents catalogues de l’œuvre. De nos jours, un catalogue
raisonné c’est quelque chose de très complexe qui inclut du matériel
scientifique, technologique, des examens de tableaux... Mais au début du xxe siècle et jusqu’à relativement récemment, on ne faisait
pas comme ça. On décrivait un tableau, on faisait attention à sa provenance, on
notait toutes les expositions que l’on pouvait, mais dans de nombreux cas on
n’allait pas au-delà. Et c’est le cas avec les catalogues de Manet : Duret en
1902, Tabarant en 1931, Moreau-Nélaton (il a fait un catalogue très sommaire
mais ne l’a jamais publié – on peut le voir aux Manuscrits)... Alors que le
catalogue Jamot-Wildenstein en 1932 a cité le catalogue Tabarant, qui était
très fourni, le Rouart-Wildenstein de 1975 l’a tout simplement ignoré. Tabarant
a fait vraiment un énorme travail, même si ça s’est compliqué par le fait qu’il
a inclus plus tard un certain nombre de mauvais tableaux, qu’on ne peut pas
attribuer à Manet. Mais enfin, Tabarant connaissait vraiment très en détail, il
était très attentif à l’œuvre qu’il décrivait, alors qu’en somme dans
les catalogues Jamot-Wildenstein puis Rouart-Wildenstein, il y a très peu de
descriptions matérielles et physiques des tableaux. Ainsi, à part quelques
études ponctuelles qui ont été faites dans des bulletins de musée par exemple
où on a analysé tel ou tel tableau, les gens en général n’ont pas pu avoir
accès à toute cette information qui commence maintenant à devenir très dense et
à être exploitée. Enfin !
Ce
dernier catalogue raisonné, qui est celui de Rouart et Wildenstein, date de
1975 et mérite donc manifestement d’être réactualisé...?
Oui, il
est tout à fait dépassé par les événements. Parce que depuis on a fait beaucoup
de plus petites expositions. Des expositions avec une partie très marquée du
point de vue examens technologiques, comme je l’avais fait avec The Hidden
Face of Manet au Courtauld Institute, relativement peu de temps après la
grande exposition de 1983. C’est cette dernière qui a été le moteur, au fond,
parce qu’elle a permis pendant toute la durée de l’exposition, aussi bien à
Paris qu’au Metropolitan Museum à New York, de regarder ces tableaux ! Qu’on
n’avait jamais vraiment « vus ». C’était la première fois que nous,
de notre génération, avions une vue d’ensemble sur Manet. Même à Orsay – ce
n’était pas Orsay, bien sûr, c’était l’Orangerie – même à l’Orangerie, en
France surtout, c’était la belle peinture : on regardait et on admirait la
belle peinture. Et on s’intéressait au contraste entre Courbet et le Manet des
années 1860, ou entre le Manet des années 1870 et les impressionnistes, mais tout
ça formait un contexte beaucoup plus tourné vers la simple appréciation de la
peinture en elle-même, sans se poser trop de questions... Aux États-Unis,
c’était naturellement au Metropolitan qu’on avait le choc devant une quantité
d’œuvres absolument extraordinaires mais qui, à l’époque, n’étaient pas
nécessairement aussi bien exposées qu’elles ne le sont maintenant. Aujourd’hui,
quand vous entrez dans la grande salle Manet, c’est absolument bouleversant. On
sent qu’on est presque dans l’atelier de l’artiste, avec tous ses tableaux des
années 1860 : le Chanteur espagnol, Mademoiselle Victorine en espada,
la Jeune Dame en 1866 avec
son perroquet... C’est absolument des chefs-d’œuvre. Nous avons ici,
avec la Jeune dame, le premier
tableau qui est rentré au Metropolitan – un des deux premiers tableaux entrés
de Manet, c’est L’Enfant à l’épée. Et c’est extraordinaire de penser que
ces œuvres ont été tellement appréciées aux États-Unis... et qu’on a eu tout le
mal du monde à faire entrer l’Olympia au Luxembourg, à Paris.
Justement,
alors qu’est-ce qui fait que la France ne s’intéresse pas tant que ça à Manet ?
Vous êtes britannique... Il y a quand même quelque chose derrière tout ça : les
grands spécialistes de Manet sont américains, britanniques ou autres, mais ils
ne sont pas français.
Non, ce
n’est pas tout à fait juste. Je crois qu’il y a eu en France, pendant très
longtemps, cette admiration si vous voulez, et cet amour de la peinture qui a
peut-être manqué justement dans d’autres pays. Dans les autres pays, on a
intégré l’étude et l’admiration devant les tableaux à l’histoire de l’art. Et
ça on l’a fait moins rapidement et de façon moins homogène, peut-être, en
France. Je crois aussi que les études technologiques des tableaux ont été
poussées plus loin et plus rapidement aux États-Unis. Parce qu’ils avaient les
moyens techniques, et ils avaient envie d’apprendre. Il y a une immense envie
d’aller à la matérialité des choses, aux États-Unis, de savoir ce qu’on a. J’ai
profité énormément de ça, parce qu’en tant qu’indépendante, j’ai eu la chance
de pouvoir aller d’un musée à l’autre pratiquement selon mon gré. Quand je
savais qu’un tableau important apparaissait sur le marché ou allait être
examiné en laboratoire ou allait subir une restauration, j’y allais pour ça, je
m’arrangeais pour le faire. J’ai donc pu voir à quel point il est important de
savoir où on en est avec un tableau, et tout ce que ce tableau a pu subir.
C’est le tableau lui-même, en définitive, qui vous dit ce qu’il est. Manet n’a
jamais expliqué ses tableaux mais, si vous êtes attentifs, ses tableaux vous
donnent énormément d’informations, de par la façon dont ils sont construits
d’une part, et aussi par des petits détails. Pour citer le cas classique du Déjeuner
sur l’herbe, on en avait fait il y a très longtemps une radiographie, en
France, mais elle était incomplète. On n’en avait publié que la partie qui
semblait la plus intéressante, c’est-à-dire les personnages. Quand j’ai
commencé à étudier les tableaux de cette époque – qui remontent très loin :
Manet a commencé dans la grande tradition de la Renaissance italienne dès son
retour de Florence dans la seconde moitié des années 1850. Et il me semblait
absolument évident, surtout si on regardait les dessins attentivement et
essayait de les dater avec les différents tableaux, qu’il faisait, esquisses ou
grands tableaux, achevés ou découpés, comme on veut, il me semblait absolument
évident qu’il fallait vraiment savoir comment Manet avait procédé. J’ai donc
demandé au musée si on ne pouvait pas faire
une radiographie entière de cette toile. Et ça a été la grande révélation !
Parce que quand vous avez la toile entière – et elle n’a toujours pas été tirée
: on s’était toujours contenté de cette reproduction de la radio des figures,
plus un peu de paysage – quand vous avez la radiographie entière de la toile,
vous voyez que le paysage d’origine de ce grand chef-d’œuvre était tiré de la
grande Vénus du Pardo du Titien qui est au Louvre, avec un paysage très
lointain, très large, avec de petits arbrisseaux, et une vue qui partait vers
des montagnes dans le fond. Ce qui correspond à la vue que l’on a dans
l’esquisse du tableau qu’il a découpé ensuite et dont nous n’avons plus que la Nymphe
surprise. L’esquisse montre exactement ce même genre de paysage qu’on
retrouvait à l’origine dans le Déjeuner sur l’herbe. On l’a démontré.
Nous avions demandé cette radiographie
pour l’exposition du Courtauld Institute, The Hidden Face of Manet, où
naturellement on n’a pas eu le Déjeuner sur l’herbe (personne ne peut l’avoir
parce qu’il appartient à la collection Moreau-Nélaton et il ne bouge pas), mais
nous avions des dessins, nous avions l’esquisse d’Oslo pour l’autre grand
tableau, celui qu’il a découpé et qui montre ce même paysage, et puis on avait
la radiographie en entier : on avait plusieurs radiographies dans une salle
noire et c’était très, très impressionnant. Au fond, ça a permis aux gens de
sentir que dans un tableau il y a des couches, qu’on n’est pas là pour admirer
simplement la superficie, qu’il y a une profondeur. Il y a une profondeur
matérielle qui est accompagnée, si vous voulez, d’une profondeur
intentionnelle, même spirituelle dans le travail de l’artiste.
Le Déjeuner sur l’herbe, daté de 1863, musée d’Orsay (Paris)
Titien, La Vénus du Pardo, 1553, musée
du Louvre (Paris)
Je
vais formuler ma question ainsi : peut-être que le modernisme que l’on attribue
souvent à Manet nous empêche de voir à quel point Manet a été chercher son
inspiration dans les grands maîtres du passé. Vous citiez Titien, mais il y en
a beaucoup d’autres. Est-ce qu’à vouloir le projeter vers l’avant, vers le
« moderne », on n’oublie pas un peu le bagage, le background, comme
on dirait en anglais, qui a fait l’œuvre de Manet ?
C’est-à-dire
qu’on a beaucoup insisté au fond sur les disputes et les fracas entre Manet et
Couture, par exemple. Mais il est évident que Manet est quand même resté six
ans chez Couture. Il voulait apprendre un métier ; il voulait profiter des
modèles, même si ça l’énervait quand les modèles prenaient des poses à
l’Antique faussement antique, mais il a dû très bien comprendre qu’il fallait
qu’il bosse là-dedans. Ça lui a permis d’aller au Louvre pour faire des copies,
en tant qu’étudiant en peinture, ça lui a donné des ouvertures sur toutes sortes
de choses. Et au fond, il a quand même dû comprendre qu’à sa façon Couture, lui
aussi, rendait hommage aux maîtres du passé. Il devait en même temps être
extrêmement attentif, non seulement à tout ce qu’il avait vu en Italie et à
tout ce qu’il pouvait voir au Louvre, et même dans les expositions – surtout
aux Salons, parce qu’il allait certainement au Salon dès sa jeunesse avec son
oncle qui aimait bien la peinture, son oncle Fournier. Donc je crois qu’il a
énormément absorbé. Il s’est bagarré avec Couture, parce qu’il trouvait que
Couture n’était pas allé au-delà d’un concept au fond fondamentalement
académique dans la manière de construire un tableau ou de présenter un sujet.
Lui voulait faire ça dans le maintenant. Il voyait dans Titien un artiste de la
Renaissance italienne qui fait du moderne : qui habille les gens, à côté de
nymphes antiques, qui met à côté d’elles des gens dans les costumes modernes de
l’époque. Et il a trouvé, il a dit, qu’il fallait que ce soit des choses
d’aujourd’hui. Qu’un artiste avait presque une obligation morale de représenter
son époque et de ne pas tenter de masquer, de faire de la mascarade.
C’est
certainement ça qu’il admirait en Courbet. Courbet était très loin de lui par
certains côtés. Manet disait toujours que Courbet c’était très bien, c’était
très, très bien, c’était ce qu’on faisait de meilleur, quand il a commencé à
choquer le monde, mais que c’était encore trop noir, qu’il fallait alléger,
qu’il fallait se rendre compte de la lumière du jour, de la « transparence
de l’atmosphère », comme il disait si souvent. Mais en Courbet, il a senti
et il a apprécié cette espèce de résonance moderne. Courbet faisait des sujets
que personne d’autre n’aurait faits à l’époque. Manet en tant que Parisien de
la grande bourgeoisie ou de la bonne bourgeoisie avait une autre conception des
choses, il était plus élégant, il était citadin, ce n’était pas du tout un
Courbet. D’où son effroi quand les gens imaginaient que lui aussi avait une
énorme barbe, des moustaches et un bock de bière devant lui. Toutefois, Manet
est allé beaucoup plus loin dans le choix de sujets qui n’étaient pas de l’art,
du grand art... Surtout, il peignait avec une franchise qui choquait
énormément, et qui détonnait.
Le Ballon, lithographie, 1862
Peut-on
maintenant aborder une lecture de Manet plus politique, dirai-je. J’avais envie
de parler du républicanisme qu’on attache à Manet et qui irait un peu à
l’encontre ou qui empêcherait un peu d’aborder une question qui vous tient à
cœur, celle de la question religieuse chez Manet – et des peintures religieuses
chez Manet, qui sont quand même très présentes.
Toute
la famille de Manet était républicaine, ça on le sait. Et lui-même l’a assez
montré : on sait maintenant qu’une œuvre considérée comme parfaitement
anodine comme Le Ballon, la grande lithographie du Ballon, est en
fait un manifeste, en quelque sorte, contre Napoléon III, avec le ballon du
progrès qui cache les Invalides, avec l’invalide assis par terre, etc. Donc on
sait qu’il était très attentif, qu’il était très marqué par l’expédition
française au Mexique où des centaines et des centaines de soldats ou de marins
ont perdu la vie... Est-ce que son sentiment républicain était lié à ce que je
crois être un sentiment religieux chez lui...? Peut-être avait-il une religion
qui était cette chrétienté moderne promue par Renan qui parlait du Christ comme
si c’était un Christ comme vous et moi, qui marchait dans les rues de Paris, en
quelque sorte.
Manet
est très pudique. Il ne dit jamais ouvertement le fond de sa pensée, ni le fond
de son émotion. Il cache son émotion. Je ne prétends absolument pas
psychanalyser Manet, mais si on observe son œuvre et si on lit ses propos tels
qu’ils ont été rapportés par Antonin Proust (et moi je crois, je dois dire, à
la fidélité plus ou moins grande des paroles de Manet rapportées par Proust :
il dit lui-même qu’il les notait au jour le jour dans des carnets, et si vous
comparez les phrases citées par Proust avec ce que Manet a écrit dans des
lettres ou dans les préfaces de ses catalogues, ça colle parfaitement avec les
propos rapportés par Proust), Manet a parlé de la religion du début jusqu’à la
fin de sa vie.
Il a
peint au départ les deux grandes toiles qui sont extraordinaires et que nous
avons vues dans l’exposition actuelle : Le Christ mort et les anges et Jésus
insulté par les soldats. Selon moi, ces œuvres sortent tout droit d’une
époque un peu antérieure : je crois qu’il a dû les commencer peu après son
retour d’Italie. Pour Le Christ aux anges, nous savons maintenant qu’une
des sources est une fresque d’Andrea del Sarto qu’il a certainement vue à
Florence. Nous le savons parce qu’un dessin qui n’est pas dans le catalogue
raisonné, un dessin parmi les copies faites à Florence, a surgi assez récemment
en salle de vente à Paris, et malheureusement est parti : il aurait dû être
capté pour les collections du musée d’Orsay !
Je
crois que la religion était une chose qui faisait partie de la vie de Manet. Il
a fait une eau-forte, une marchande de cierges dans une église, tout à fait
dans le goût de Legros (Legros qui, probablement, lui a enseigné la gravure).
Cette eau-forte, il l'a élaborée en énormément d’états, il l'a faite avancer
d’un état d’eau-forte pure jusqu’à une chose extrêmement dense avec des
aquatintes très fortes. Manet était un ami intime de l’abbé Hurel qui était
vicaire, d’abord à Saint-Philippe-du-Roule, et ensuite à la Madeleine pendant
pratiquement toute la vie de Manet. Quand il fait le portrait de Proust
tardivement, dans les années 1878-1879, Manet a cette parole absolument
extraordinaire que Proust rapporte : qu’il l’avait peint en pensant au Christ
allant chez la Madeleine. C’est comme ça qu’il a peint le portrait si vif, si
élégant, et si vrai, en quelque sorte, de son ami Antonin Proust, avec le ruban de la légion d’honneur, la rose à la
boutonnière... Et il a parlé, à cette même époque tardive, quand il était déjà
atteint par la maladie, de son désir de peindre le Christ en croix. Comme il
avait, au tout début de sa carrière – et nous le savons par un dessin qui est
dans l’exposition et par d’autres indices –, il avait envie de peindre le
Christ avec la Madeleine, comme une composition à la Titien, si l’on veut.
C’est très étonnant : c’est une ligne qui traverse toute sa vie...
Etude d'après Andrea del Sarto, 1857 - Collection particulière
Et
que l’on néglige !
Oui,
mais que l’on néglige parce qu’au fond, on n’a pas encore très bien compris.
Moi-même je ne comprends pas – mais je crois qu’on va pouvoir comprendre. Une
chose qui m’a frappée dans l’exposition actuelle, c’est Jésus insulté par
les soldats – immense tableau provenant de Chicago qui vient d’être restauré,
nettoyé, qu’on voit merveilleusement bien et qui est très bien exposé avec les
études en dessin et en peinture – eh bien, j’ai été frappée par le fait que je
crois que ce tableau a trouvé son origine à une époque beaucoup plus ancienne
qu’on ne le pense. Il l’a exposé en 1865, en même temps que l’Olympia –
très étrange coïncidence d’œuvres –, mais Manet a dû le concevoir et commencer
à jouer avec ce thème dès la fin des années 1850. Le dessin qu’on dit
préparatoire me paraît beaucoup plus proche de l’art italien qu’il ne l’est du
tableau que nous connaissons et il y a des accessoires, comme l’épée portée par
un de ces hommes, l’immense ceinture de cuir que tient un autre, et même je
dirais une espèce d’atmosphère gauloise de brutes, d’hommes primitifs qu’on
pourrait peut-être rapprocher de certains maîtres académiques... Il faut
chercher à comprendre ce qui s’est passé. C’est une chose qu’il faut étudier.
Surtout le rapport à ce nouveau concept de Renan, d’un Christ humain, plus
humain peut-être que spirituel, et aussi bien sûr de Darwin et de l’origine des
espèces qui a explosé sur la scène – on en parle très peu vis-à-vis de l’art
mais je crois que ça a eu un impact énorme.
Manet
lisait beaucoup mais je crois que c’était... Il absorbait. Moi, je ne suis pas
une grande lectrice, mais j’arrive à attraper des trucs comme ça. Et je crois
que les artistes, c’est un peu ça... Étant donné qu’il ne voulait pas
travailler avec un programme, en quelque sorte. Il voulait rester libre. Je
crois que c’est ça son truc. Et c’est pour ça qu’il est moderne. Il n’est
d’aucune école. Et c’est aussi un peu pour ça qu’il ne voulait pas rentrer avec
les impressionnistes, j’ai l’impression. Il ne voulait pas de chapelle. Oui, il
était très autoritaire, au fond. Il voulait être lui-même. Autoritaire n’est
pas le mot...
Indépendant...?
Oui,
indépendant.
Et
cette même indépendance, ce refus de toute école, on pourrait aussi l’appliquer
aux genres qu’il a pu aborder. Manet déclare à Antonin Proust : « Tu sais, moi il faut me voir tout entier. Et, je
t’en prie, si je viens à disparaître, ne me laisse pas entrer dans les
collections publiques par morceaux ; on me jugerait mal. » Et pourtant,
on a l’impression que les vieux réflexes académiques ont la vie dure et qu’on
continue à découper Manet par genre : portraits, tableaux d’histoire, natures
mortes, etc. Alors qu’évidemment un tableau comme Le Déjeuner sur l’herbe,
par exemple, peut être vu comme une scène mythologique, une scène de genre, un
portrait, voire une conversation piece... Donc on traverse les genres
complètement. Ça aussi, c’est la liberté de Manet !
C’est
la même chose avec les techniques. Pour moi, il est inconcevable qu’on
considère un artiste comme peintre sans y intégrer absolument tous les dessins
et les estampes qu’il fait en même temps. Parce que tout se passe dans son
cerveau et tout se passe dans l’atelier, en même temps. C’est commode, par
moments, de prendre un thème et un sujet plutôt qu’un autre pour faire une
exposition ponctuelle et c’est difficile de gérer... j’allais dire c’est
difficile de gérer un mélange des genres si on n’a pas tout. C’est-à-dire que
pour l’exposition de 1983, c’était extrêmement représentatif de tout l’œuvre de
Manet, et donc on pouvait montrer des portraits où il y avait des éléments de
nature morte et une nature morte à côté et un peu donner une impression d’une
totalité, à chaque moment de la chronologie. Mais ça dépend un peu de ce qu’on
a à mettre sur le plat. Peut-être que les œuvres en question cette fois-ci ne
prêtaient pas à cette espèce de mélange et d’homogénéité de l’œuvre en soi.
Oui,
mais pour moi une des plus belles natures mortes de Manet est dans un portrait
: celui de Duret.
Oui,
c’est très étonnant. Mais aussi le portrait d’Astruc, où il y a une espèce de
nature morte étonnante. Zola, c’est évident, pratiquement tout le tableau est
une nature morte, même Zola lui-même.
Oui,
pauvre Zola.
Il
apparaît en une espèce de portrait en profil, empereur romain, figé, pas en
bronze, mais en plâtre, parce qu’il a un visage un peu plâtreux. Mais c’est
vrai, Le Déjeuner sur l’herbe est une des plus belles natures mortes qui
soient, avec le pique-nique parmi les froufrous de la robe de la soi-disant
nymphe. C’est magnifique. Non, Manet lui-même confondait les genres. Il est évident
qu’il faisait des petits tableaux de nature morte pour vendre aussi. Mais même
là, les natures mortes de Manet sont en même temps des œuvres d’une émotion
profonde. Des memento mori : les pivoines avec leurs pétales qui tombent
par terre, le sécateur, les branches coupées, tout ça est quand même très
proche également de l’iconographie religieuse et de l’allégorie traditionnelle.
Mais, en même temps, ce sont des morceaux de peinture pure, de peinture d’un
tel niveau qu’on est absolument ébloui. Je crois que c’est ça au fond dans un
certain sens ce qui fait que Manet est unique. Parce qu’il avait des idées très
fortes sur ce qu’il voulait mettre dans ses tableaux mais ce qui primait
complètement, c’était les tableaux en eux-mêmes et par eux-mêmes, c’est-à-dire
la peinture, la pâte. Mallarmé a compris ça mieux que personne. Il y a cette
espèce de petit poème en prose sur Manet qui est bouleversant de compréhension,
d’intelligence : le noir, la main, un œil. Extraordinaire ! Il a dit tout ce
qu’il fallait dire sur la peinture de Manet, au fond. Et peut-être qu’il savait
aussi qu’il ne serait jamais vraiment compris.
Justement
: un écrivain, un poète qui comprend mieux que personne la peinture. On peut
passer comme ça d’un art à un autre et évoquer la musique. Ce serait là un de
vos projets : faire une exposition autour de Manet et de la musique. On sait
que Manet était marié à une pianiste...
Et il
était mélomane ! Tous les gens de leur cercle étaient mélomanes. Ils se
réunissaient dans leurs salons chaque semaine pour faire de la musique. Cela
chez les Lejosne, ou plus tard chez les Charpentier… Ils pouvaient aller de la
musique absolument légère à des quartets ou des... Probablement qu’on jouait
Wagner à quatre mains dans le salon de sa mère. C’est étonnant de penser à ça.
Pas
que Wagner !
Pas que
Wagner, non. Pour Manet, c’était Haydn. Et je trouve ça très parlant. Parce que
Haydn c’est un très grand classique, mais en même temps, c’est le Sturm und
Drang et l’émotion très forte. Et je crois que Manet a dû sentir
profondément le sens de la musique. Ça a dû le toucher très profondément.
Mme Manet au piano, v. 1867-1870, musée d’Orsay (Paris)
Peut-on
parler de ce projet d’exposition... ?
C’est
un projet qui était très avancé, et à la vue de toutes les autres expositions
Manet ou reliées à Manet ou comprenant Manet qui étaient projetées dans les
années à venir, il est apparu évident qu’il fallait le repousser. Cela
permettra d’ailleurs de faire un travail beaucoup plus approfondi. Parce qu’il
s’agissait de mettre en valeur en quelque sorte – ce n’était pas l’idée de
l’exposition, mais c’est une chose qui a surgi de ce projet « Manet et la
musique » –, mettre en avant le rôle joué par sa femme, qui, je crois,
était plus considérable qu’on ne l’a imaginé. On s’est un peu moqué de cette
grosse Hollandaise, douce, gentille, qui ne venait pas à l’atelier, qui restait
à la maison. Et je crois qu’elle était une espèce de support essentiel à Manet.
D’ailleurs, le très beau tableau peint par Degas, que Manet a terriblement
abîmé en coupant le visage de sa femme parce qu’il trouvait que Degas l’avait
mal portraiturée, est une espèce d’allégorie de l’entente de ce couple, avec
Manet étendu sur les coussins du canapé en écoutant sa femme qui joue. Par
ailleurs, nous avons un récit très beau de leurs rapports à cet égard lors de
leur visite à Venise. Lorsque Suzanne s’est arrangée pour avoir un piano sur
une barque et a pu jouer de nuit pour son mari, au clair de lune, sur la lagune
de Venise : extraordinaire ! Il y avait beaucoup de gens dans leur
entourage qui s’occupaient de musique, professionnellement ou en amateurs.
Après
tout, les tableaux de Manet sont des constructions musicales. Il a un sens de
la composition et il est très en harmonie, me semble-t-il, avec la tradition
classique de la grande musique depuis Haydn jusqu’à la musique de son temps, en
passant par Beethoven, et même au-delà de son temps, parce que par certains
rapports Manet est déjà très proche de Debussy, dans une sorte
d’impressionnisme qui est un art fait de suggestions, merveilleusement
structuré mais en même temps qui respire selon la respiration de l’époque.. Je
veux dire qui capte et qui utilise des sons qui, pour la plupart des
classicistes, n’étaient pas acceptables, paraissaient cacophoniques.
Manet a
fait la même chose dans sa propre peinture. Et il a été collectionné par des
musiciens : Chabrier qui a pu acheter grâce à la fortune de sa femme et qui a
beaucoup acheté dans la vente après décès de Manet. C’est lui qui avait le Bar aux Folies-bergère.
Et
Faure...
Faure,
le chanteur, évidemment, a acheté. Mais Faure est un personnage curieux et je
ne sais pas, comme les gens qui achètent de nos jours, quelle était chez lui la
part de la spéculation. Non, mais c’est sûr qu’il aimait la peinture, sinon il
n’aurait pas acheté autant à tous ces gens-là.
En
conclusion : beaucoup de chantiers explorés, mais beaucoup qui restent à mener
à bien...
Il
reste des chantiers à mener à bien, mais il restera toujours des chantiers à
mener à bien. Ce qu’il faut maintenant, c’est une œuvre de synthèse. On connaît
tellement mieux aujourd’hui la personnalité, la biographie, les dates, tout le
travail qui a été fait, surtout en France, sur les expositions en province, par
exemple, toutes les sociétés des amis des arts des différentes villes... On a
un aperçu beaucoup plus riche et beaucoup plus fourni de ce que faisait Manet
en tant qu’artiste professionnel qui envoyait ses œuvres devant le public d’une
façon beaucoup plus intense qu’on ne l’avait pensé. Maintenant, on regarde...
on va à la recherche de toutes ces expositions, et pour Manet, j’en ai déjà trouvé beaucoup qui
étaient complètement inconnues. On voit qu’il avait envie d’exposer. Comme il
le dit lui-même dans la préface à son catalogue en 1867, son exposition
particulière sur la place de l’Alma, un artiste doit exposer. Il est là pour
ça. Il est là pour faire des tableaux, mais ensuite pour les montrer au public,
pour les vendre si tout va bien, mais surtout pour les montrer. Et je ne sais
pas s’il avait l’idée qu’il fallait que les gens voient la peinture.
Enfin, les gens de nos jours vont par milliers dans les expositions et dans les
musées. Ils ont l’idée que ça vous apporte quelque chose, qu’il faut voir ces
œuvres. Et je crois que Manet en tant qu’artiste professionnel, savait que
c’était de son devoir au fond d’essayer de mettre devant le public ce qu’il
avait à dire en peinture.
Il faut
de toutes façons tôt ou tard, et le plus tôt possible serait le mieux, un
nouveau catalogue raisonné, qui soit attentif à l’œuvre, à chaque œuvre, qui
profite de tous les examens qui ont été faits, qui tienne compte des
découvertes matérielles autour des tableaux, et des dessins – parce que les
dessins de Manet ont été complètement éparpillés : c’est Antonin Proust qui,
avec les meilleures intentions sans doute, pour aider la veuve à survivre, a
dépiauté absolument tous les carnets et ça s’est distribué à droite et à
gauche. La seule bonne chose, c’est qu’il a collé les dessins dans des albums
factices. Il a créé des albums factices avec un choix de dessins, tous carnets
mélangés, pour le grand industriel qu’était Auguste Pellerin, le roi de la
margarine. Et les albums Pellerin, heureusement, ont été achetés par le Louvre.
Mais malheureusement, ils ont été inventoriés dans l’état où Antonin Proust les
avait collés sur les pages, c’est-à-dire que tous les carnets sont maintenant
plus ou moins mélangés et dispersés. Et ça aussi c’est un travail qu’il faut
absolument faire parce que quand vous voyez le travail que Manet faisait dans
tel ou tel carnet, dont nous n’avons maintenant que des bribes (parce que
beaucoup de tout ça a été détruit ou perdu), vous apprenez énormément de
choses, sur sa peinture également. Parce que Manet s’exprimait tout le temps et
dès le départ avec un crayon. Il prenait des croquis partout. Et heureusement
qu’il a surtout gardé, probablement à part déjà, les dessins qui avaient servi
pour les tableaux, mais il n’est que trop évident, quand vous comptez tous les
formats de pages et tous les différents types de papiers, que nous n’avons que
quelques survivants de ces dizaines de carnets qu’il a dû remplir au cours de
sa vie.
Donc il
faut un nouveau catalogue raisonné en tout cas des dessins et des peintures. Et
il faut une sorte de biographie qui s’appuierait sur les documents. Nous sommes
en train d’entreprendre une mise au point de la correspondance de Manet, qui
est aussi beaucoup plus intéressante qu’on ne le pense, surtout que beaucoup de
lettres et de documents inconnus commencent à apparaître partout. Et nous
pouvons construire peu à peu une vision beaucoup plus exacte du personnage même
de Manet et de ce qu’il faisait pendant sa vie. Pour ces travaux, il faut
laisser tomber les débats intellectuels, il faut ne plus s’occuper pour l’instant
de constructions théoriques ou littéraires, etc. Il faut aller à l’œuvre. Il
faut le faire vraiment, pour chaque tableau qu’on peut approcher et qu’on peut
étudier. Et on va avoir énormément de surprises !
Voiliers, graphite du carnet de Boulogne,
1868
Collection particulière
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire